Urbanisme : Une demande de pièce inutile ne modifie plus le délai d'instruction
- Fabrice SENANEDSCH
- 5 févr. 2023
- 3 min de lecture
Le Conseil d’Etat vient d’apporter de très importantes précisions concernant l’instruction des autorisations d’urbanisme, désormais une demande de pièce inutile n’aura pas pour effet d’interrompre le délai d’instruction.
Il faut tout d’abord rappeler que le code de l'urbanisme régit de manière précise le contenu du dossier de demande des différentes autorisations d'urbanisme (permis de construire, déclaration préalable, permis d'aménager).
Ainsi, à titre d’exemple, pour un permis de construire, l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme indique que la demande comprend :
- Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ;
- Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ;
- Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1.
C’est au regard de ces pièces que le service instructeur dispose de la possibilité de solliciter du pétitionnaire qu’il produise des pièces manquantes. Cette demande de pièces ayant pour effet de proroger le délai d’instruction jusqu’au jour leur réception.
Mais la liste des pièces visées par ces articles est exhaustive. Le service instructeur ne peut solliciter de pièces qui ne figurent pas dans cette liste.
Cet état du droit est désormais codifié à l'article R. 423-41 a été ajouté au code de l'urbanisme. Il dispose que :
« Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R*423-49. »
Dans le précédent état du droit le Conseil d'Etat considérait que la demande de pièce inutile ou surabondante n’avait pas pour effet de permettre au pétitionnaire de se prévaloir de ce que le délai d’instruction n’avait pas été prorogé et qu’un permis tacite était né. (CE, 9 décembre 2015, Commune d'Asnière-sur-Nouère, n° 390273).
Dans sa décision du 9 décembre 2022 (req 454521), le Conseil d’Etat inverse totalement sa jurisprudence et juge que :
"Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle."
Cette jurisprudence est extrêmement dangereuse pour l’instruction des autorisations d’urbanisme. Désormais le fait de solliciter une pièce inutile ou surabondante ne gèlera plus l’écoulement du délai d’instruction et les pétitionnaires concernés par ce type de demande pourront se prévaloir d’une autorisation tacite (dans les hypothèses ouvertes par le Code).
Plus grave, si la Commune souhaite opposer un refus concernant cette autorisation, elle devra considérer ce refus comme valant retrait de l’autorisation tacite et respecter la procédure de recueil préalable des observations du pétitionnaire à peine de nullité dudit retrait.
Cette hypothèse est d’autant plus dangereuse lorsque le refus explicite intervient postérieurement au délai de retrait (3 mois pour les permis de construire) ou dans une hypothèse où le retrait est impossible (ex : antenne relais).
Il est donc aujourd’hui extrêmement important que les services instructeurs réfléchissent sérieusement aux demandes de pièces complémentaires qu’ils formulent afin d’établir :
1- Si la pièce sollicitée figure bien dans la liste exhaustive des pièces visées par le Code de l’Urbanisme.
2- Si la pièce sollicitée ne peut être considérée comme surabondante ou inutile au regard des autres pièces déposées.
Dans le cas contraire les pétitionnaires pourraient utiliser à leur avantage cette jurisprudence du Conseil d’Etat pour tenter d’obtenir une autorisation d’urbanisme dans des hypothèses où leur projet n’est pas réalisable au regard des règles du Plan Local d’Urbanisme.
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